Interview de Fabien Fournier et Anne-Laure Jarnet de la série Noob

Depuis 5 saisons, la web série Noob connaît une grande réussite puisque les vidéos ont été visionnées plus de 45 millions de fois. Fort de ce succès, le créateur de la série Fabien Fournier et l’équipe de la série ont décidé de faire un film dont le tournage va commencer à la fin de l’année.

Pour garder leur indépendance, ils ont demandé à leurs fans de faire une donation numéraire sur le site Ulule afin que le projet voie le jour. Incroyable mais vrai, les dons reçus ont dépassé toute espérance et au lieu de réaliser un film, une trilogie sera faite ! En effet, plus de 650 000€ ont été récoltés. Un véritable record ! A l’occasion du Comic Con’ dont nous étions partenaires, nous avons posé quelques questions à Fabien Fournier le créateur de la série et Anne-Laure Jarnet qui joue Gaëa dans la série. Ils nous ont répondu aimablement et humblement.

 

MC : Depuis 5 saisons Noob connaît un grand succès, comment expliquez-vous cela ?

Fabien Fournier : Alors, je pense qu’il y a plusieurs paramètres. Tout d’abord, chronologique puisqu’en 2002 en France, on était les précurseurs du MMORPG. C’était l’époque Everquest, un jeu assez confidentiel. La période World of Warcraft est arrivée en 2004 aux Etats-Unis et 2005 en France. Donc, on a commencé une histoire sur l’univers du MMORPG par hasard et pour les besoins scénaristiques, car je suis un fan de jeux de rôle (RPG) comme Zelda, Secret of Mana, Final Fantasy… Et comme dans un film, on ne peut pas mettre des PNJ (personnage non joueur), on a mis des personnages pour une dimension on-line pour avoir des réactions impossibles à anticiper et pour mélanger les genres. C’est-à-dire de faire de la science fiction et de la fantaisie. Le jeu vidéo servait de prétexte pour mélanger les genres. On ne savait pas que le MMORPG allait avoir des millions d’adeptes avec World of Warcraft et on a eu la chance d’être les premiers à faire une web série live sur le MMORPG. Grâce au streaming qui s’est popularisé, le partage s’est donc fait à grande échelle. Il y a aussi le côté aventure de « bande de potes » qui plaît aux internautes.

Anne-Laure Jarnet : On n’a répondu pas forcement à un besoin mais à une certaine attente des fans du MMROPG puisqu’il y avait une carence dans le paysage de l’audiovisuel. On propose un univers très référencé de la culture geek et au final les spectateurs s’y retrouvent dans la production de Noob.

 

MC : Suivez-vous les critiques des internautes sur la scénarisation de la série?

FF : Pas individuellement mais on a quand même observé les tendances. Par exemple, moi je me suis souvent servi de la réaction des gens pour éviter des chutes évidentes. C’est-à-dire quand les spectateurs devinent l’histoire à des années lumières, je change le scénario ou alors à l’inverse quand ils attendent absolument un déroulement précis, je leur offre cet instant car moi-même j’ai envie que l’action se déroule de cette manière.

 

Fabien Fournier le créateur de la série et Anne-Laure Jarnet au Comic Con.
Fabien Fournier le créateur de la série et Anne-Laure Jarnet au Comic Con.

MC : Roman, BD, manga, jeu vidéo et maintenant un film, d’où est venu ce projet fou?

FF : Des personnes ont retrouvé des vieilles interviews de 2010 où je parlais de faire un film alors que la série n’existait que depuis 1 an et demi. Cela rentre dans une logique car je suis un fan des licences comme Harry Potter, Final Fantasy 7 et autres univers. Je veux donc partager ma passion, toute proportion gardée, en utilisant ces univers qui font du cross média, qui sont très répandus au Japon et surtout aux Etats-Unis. J’adore suivre ces aventures sur différents supports. Les différents médias complètent la série. Les romans, BD et autres supports ont pour but de raconter d’autres histoires indépendantes d’une manière différente sans dénaturer la série. Par exemple la bande dessinée donne l’aspect « carte postale » et on voit le monde que j’imagine. Les romans racontent les légendes et la narration fait oublier l’aspect logistique de la mise en scène en live. Chaque média ne peut pas me contenter intégralement mais la somme de ces supports me le permet en tant que créateur de la série. Le long métrage est un autre format puisqu’il est différent de la série qui est très axésur la comédie. Ce film va être un mélange de tous ces média. C’est presque la consécration de  toutes les branches qu’on a lancé. Mais je n’aurai jamais imaginé  travailler dans de bonnes conditions avec le crowdfunding.

 

MC : Pourquoi avoir choisi ce système ?

FF : Pour vous donner une idée, pour la 1ère saison de Noob, le budget était de 1.000€, la  saison 2 est de 5.000€, la saison 3 est de 10 000€, la saison 4 et 5 de 20 000€ par saison. Ces 20 000€, on les a obtenu avec les goodies et la publicité sur Internet. Vu le budget, vous vous doutez bien qu’on ne peut payer les 35 acteurs de la série. Ce budget de crowdfunding  nous permet uniquement d’améliorer la qualité de la série, c’est-à-dire les costumes et le matériel. Il y a aussi la partie des t-shirts et des goodies qu’on va envoyer aux contributeurs et qui nous prend un grand budget. Au-delà de Noob, on remarque dans n’importe quelle situation : les gens n’aiment pas rester passif et  qu’on leur impose. Par exemple, de regarder leur programme à à une heure précise. Maintenant, on peut faire sa propre programmation sur Internet. On sait que le crowdfounding n’est pas notre argent. Il vient de cette communauté qui nous suit depuis le début et qu’on rencontre lors des conventions. On existe grâce à eux depuis 13 ans. Si on devait en gagner c’est avec les royalties lorsqu’on vendra des DVD et des Blu-rays ou des produits dérivés via un distributeur.

A-LJ : Ce sont les fans qui sont proches de nous et qui nous permettent de nous faire vivre cette aventure. Grâce à eux, on est resté indépendant pour qu’il n’y ait pas de société de production qui nous rachète notre licence. En proposant le crowdfounding, ils participent à ce projet avec différents paliers d’investissement et ils deviennent producteurs. On veut leur permettre d’avoir le film le plus beau possible. On ne peut pas dilapider l’argent pour le personnel et je vous rappelle qu’on est en temps de crise.

 

MC : La série va-t-elle être diffusée sur une grande chaîne de télé?

FF : C’est possible qu’un jour la série soit diffusée sur une grande chaîne. Mais jusqu’à présent, nous avons beaucoup investi personnellement et vécu cette aventure entre « bande de potes ». La série telle qu’elle est aujourd’hui ne peut être diffusée sur une grande chaîne car on n’est pas des acteurs professionnels et que certains ne savent pas jouer mais c’est ce qui fait son charme. A l’échelle professionnelle, une chaîne ne peut accepter l’amateurisme pour une série dans laquelle elle a investi. Mais quand, on aura terminé la série et qu’on vendra la série à une société de production, rien n’empêche de faire un reboot avec des acteurs professionnels et d’être diffusé sur une grande chaîne. Il se peut aussi qu’on passe à un autre palier et que cette trilogie,  du moins pour le 1er film soit diffusée dans les salles de cinéma avec une trentaine de copies pour tenter l’aventure. Mais on ne maîtrise pas tout dans ce domaine donc on y réfléchit car on a peur que cela finisse gratuitement sur Internet lors de la diffusion au cinéma et cela ne serait pas compatible. En plus comme c’est un film indépendant sur l’univers de la science fantaisie dont le budget n’est que de 130 000€ par film , à côté des blockbusters, ce ne va pas être aussi simple de s’imposer.

 

MC : Le film va-t-il être une conclusion de la série ?

FF : C’est un cycle. Le 1er cycle, c’est les 5 premières saisons. Et on s’y est tenu ! La trilogie ça sera le 2ème cycle. Il y aura un 3ème cycle où pour l’instant il y aura une saison. Mais par contre rien n’empêche après ces cycles de  finir l’histoire avec un dernier film pour le cinéma avec un vrai producteur. On a proposé le crowdfounding pour faire cette trilogie mais on n’a rien contre le financement traditionnel à condition que cela reste logique dans le fonctionnement de la série.

A-LJ : On fera le point à ce moment-là car les acteurs ont une vie à côté et un travail.

 

MC : La préparation de ce film va être identique à la web série ?

FF : Il y a 3 à 4 heures d’écriture pour un épisode. On réfléchit avec Anne-Laure sur l’histoire de l’épisode et la disponibilité des acteurs. Un tournage commence le midi et se termine vers 18h.  Les parties post-production et montage sont les plus prenantes, environ 30 à 40 heures. Il faut savoir que les curseurs qui sont incrustés dans le film prennent beaucoup de temps avec le tracking. Je fais tout moi-même pour avoir un meilleur contrôle car on fait cette série par passion et il n’y a pas de rémunération. On ne peut pas déléguer à des productions externes car on a peur de devenir dépendant et cela peut porter préjudice à la série à cause de cette dépendance. Beaucoup de web séries se sont arrêtées pour cette raison. Mais pour le film, nous serons plusieurs personnes à gérer.

 

MC : Avez-vous eu une formation de production ?

FF : Pas du tout, j’ai dû être autodidacte. J’ai un master II en droit des médias et propriétés intellectuelles qui m’a aidé à négocier pour mes contrats d’édition et gérer la licence Noob.

 

MC : Un autre phénomène qui arrive en ce moment, ce sont des anonymes qui  créént leur propre chaîne ou des boites de production pour le web TV. D’ailleurs Anne-Laure, vous en avez créé une avec le personnage de Gaëa. Qu’en pensez-vous?

A-LJ : Je n’ai pas créé de chaîne à part mais je me suis rattachée à notre chaîne existante sur les différents diffuseurs (Wat et Youtube) de Noob. Je fais des petites vidéos qui s’appellent « Le blog de Gaëa ». C’est plus un spin off du personnage de Gaëa dans sa vie réelle avec sa manie de faire des petites vidéos et de le « monétiser » afin d’essayer de faire du buzz. Maintenant, quand on voit Norman ou Cyprien qui pulvérisent avec le nombre vues… Le format court est plus attractif qu’une web série. Il faut une histoire et un univers bien ficelés avec des personnages attachants pour qu’une web série fonctionne et qu’elle fédère. On va dire que cela demande un effort pour attirer l’internaute plus qu’un sketch.

FF : On parle de chaîne donc avec un système de financement plus traditionnel. Ils sont plus structurés. Nous, on a plus un côté OVNI avec notre communauté qui nous alimente et qui fait vivre notre aventure. Je pense effectivement qu’à terme une chaîne a plus vocation à dépasser une production amateur/indépendante. Par exemple, Golden Moustache qui est une vraie boite de production sur Internet via M6. C’est un prolongement de la télévision qui s’est adapté sur le Web. On voit que cela envoie du lourd. Raphaël Descraques qui a réalisé une bande annonce sponsorisée par une marque de boisson non alcoolisée sur le Web via la boite de production, on s’aperçoit que tout est bien coordonné, c’est drôle et cela accroche. Il n’est pas impossible que cela devienne une web série. Mais si c’est juste de faire un sketch en one shot, cela ne se peut pas se comparer à Noob et à notre environnement. Toutefois, si ces productions se mettent à faire des web série s alors oui, elles peuvent nuire à des productions indépendantes. Noob est un peu un extra terrestre. Il y a très peu de web séries indépendantes, à part la Flander’s Company, qui tiennent aussi longtemps avec un staff bénévole. Au départ, il y avait 4 web séries indépendantes: “Nerdz”, “Noob”, “Flander’s Company” et “Le visiteur du  futur”. Sauf que “Le visiteur du futur” est  produit à partir de la saison 3 avec un schéma plus structuré. Nerdz a été produit par Ankhama à la saison 3. La nouvelle web série: “SaturdayMan” est elle aussi produite par une société de production. Lorsque une web série est produite par une société de production, cela se voit. La différence ne se fait pas sur l’argent mais cela se joue ailleurs. Concrètement, à part Noob et la Flander’s Company qui sont des cas particuliers, les web séries indépendantes qui ne sont pas structurées ont du mal à percer et avoir une communauté. C’est dommage.

 

MC : Aujourd’hui, pensez-vous qu’il faut créer une web série ou sa propre chaîne pour percer ?

AL-J : Tout d’abord, il ne faut pas penser à la notoriété. Mais plutôt avoir un vrai projet, un concept créatif. Quelque chose à défendre et ensuite voir quel support serait le mieux adapté. C’est très compliqué de réussir une web série car il faut trouver et fédérer une équipe. Il y a beaucoup de groupes qui ont arrêté l’aventure pour diverses raisons. Mais attention, aux youtubers, à l’effet étoile filante juste parce qu’ils ont réussi quelques vidéos. Par exemple, Norman qui a voulu tenter l’expérience du cinéma n’a pas eu le résultat escompté.

FF : Aujourd’hui, si quelqu’un veut perdurer dans le monde audiovisuel, qu’il sort d’une école de cinéma et qu’il part de rien car toutes les portes sont fermées avec un marché saturé, il va aller forcément sur Internet puisqu’il a un savoir faire. Mais comme le dit Anne-Laure, il faut aussi avoir une fibre créatrice pour attirer un public parce qu’il ne suffit pas de maîtriser les outils. Maintenant, je pensque pour percer, le plus rapide et facile, c’est de faire comme certains, des vidéos en commentant des jeux vidéos ou être un youtuber solo. On est seul à gérer, on se met en avant seul et on n’a pas de compte à rendre. On travaille à son rythme, on écrit son propre sketch. Je dois vous avouer que je ne connais pas beaucoup de  web séries qui ont percé de manière fulgurante alors qu’il y a beaucoup de youtubers qui l’ont été mais de manière éphémère. Cela étant dit, il y en a qui ont pérennisé et qui sont installés comme Bob Lennon ou le joueur du grenier. DiabloX9 a commencé quand il était mineur maintenant, il est sur le toit des meilleurs “youtubeurs” avec un nombre de vues monstrueux ou Unsterblicher, un petit jeune de 17 ans qui commence à avoir une notoriété. Cela étant dit, je voudrais dire qu’il faut faire très attention car ils ont un peu le culte de la personnalité puisqu’ils se mettent en avant. Pour leur première convention, il nous est arrivé de voir certains youtubers se la jouer grande star et avoir la grosse tête parce qu’ils se voient dans des énormes affiches, leur communauté les rencontre et ils voient leur notoriété s’agrandir.  Mais ils ne sont pas pour autant des stars. Le joueur du grenier l’a bien compris quand il disait que personne sur terre ne mérite d’attendre huit heures pour lui ! C’est une personne qui a la tête sur les épaules comme son ami Sébastien. Quand ils sont en convention, ils sont là pour les fans. Ils dédicacent non stop. Pour le cas de Norman, on ne le connait pas personnellement mais il a dû brûler les étapes car on l’a sans doute mal conseillé. Mais après tout, qui refuserait de faire du cinéma ? Cela fait rêver ! Avec les audiences qu’il fait sur Internet, il aurait dû être plus regardant. Sur Internet, on est très peu conseillé, mais on a la chance de connaître un geek (petit clin d’œil pour lui) qui connaît très bien ce milieu et qui nous oriente sur nos choix. On résiste pour l’instant aux appels du monde du cinéma et on ne fonce pas tête baissée car on veut bien faire les choses.

 

MC : Suivez-vous certaines personnes ou web séries?

AL-J : Grâce aux différentes conventions, on a l’occasion de rencontrer ces personnes et de discuter avec elles. On se familiarise et on les associe à nos projets, et vice versa. On n’a jamais rencontré Norman et Cyprien car ils ne vont pas aux mêmes conventions. On suit Bob lennon, Fantasio, DiabloX9, Joueur du grenier et bien entendu Unsterblicher.

 

MC : Après ce projet cinématographique, quels sont les autres projets?

AL-J : On a commencé avec une autre web série qui s’appelle: “Warp zone project”. C’est une série plus urbaine avec un thème sur les super héros. C’est un thème  ultra récurrent mais on l’aborde sous un autre angle. On a vu la série “Misfits” et Fabien a trouvé ce sujet intéressant. Cela lui tenait à cœur de faire une série sur cet univers là et il voulait raconter une histoire à sa manière sur les super héros. On a fini la saison 1 et on attaque la saison 2. On est déjà 4e des web séries en France en 5 mois.

FF : Pour des séries comme Avenger ou HeroCorp, j’ai effectivement ma propre idée sur les super héros. On sait qu’on ne révolutionnera jamais rien mais pour un même thème, on peut la traiter de manière différente. C’est un projet qui va assurer la relève de Noob. Mais il faut dire que les web séries en France n’ont pas encore percé car il n’y en a pas beaucoup et elles ne durent pas. Une web série ne fait que quelques millions pour l’ensemble d’une série. Noob fait 45 millions de vues sur l’ensemble des vidéos mises en ligne. Norman ou Cyprien font 2 à 3 millions par vidéo. J’ajoute qu’il y a aussi un spin off de Noob qui s’appelle Néogicia. Cette série sera traitée d’une manière différente de la série Noob. On oublie la notion de jeux vidéo et on vit une véritable histoire à part des personnages non joueurs de la série Noob. Cela permet d’enrichir l’univers de Noob mais qui reste une licence indépendante.

Depuis l’interview, l’équipe de Noob a commencé à acheter du matériel de production en vue de commencer le tournage de la trilogie. Vous pourrez suivre leur péripétie via leur page Facebook. Nous leur souhaitons bonne chance pour cette belle aventure.

Par Hui-Ping PANH

 

3 thoughts on “Interview de Fabien Fournier et Anne-Laure Jarnet de la série Noob

  1. Sympa l’interview, on retrouve le côté spontané de nos deux héros !
    Malheureusement, les fautes d’orthographes et autres erreurs (WarP zone project et non pas war zone project – il faut potasser son sujet avant d’écrire) gâchent totalement la lecture.

  2. Que cette interview est mal écrite. Beaucoup de fautes d’orthographe, une syntaxe bancale et des tournures qui ne veulent rien dire.
    Heureusement que FF et ALJ ont des propos intéressants.

  3. Mille excuses. L’itw a été enregistrée. J’ai fait une inversion entre le texte retranscrit brut et la version finale. Une faute que j’assume pleinement. Nous avons corrigé l’erreur. Méa culpa.

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