Histogramme, Niveaux et Courbes

Si, ces dernières années, des outils comme Lightroom ont simplifié la retouche de nos images, il peut être intéressant de comprendre comment utiliser Photoshop lorsqu’on ne dispose que de ce logiciel. Car pendant longtemps ce logiciel a été incontournable et reste la référence dans le monde des photographes.

AUTEUR
Rémi Guibert

Dans cet article, nous allons essentiellement parler de la gradation. La gradation est la quantité d’informations de couleur (de la plus blanche à la plus noire) sur une zone de l’image ou sur son ensemble ; tandis que la chromie est la valeur de teinte (sur le spectre visible). Pour la gradation, on distingue trois zones dans une image : les tons clairs, les tons moyens et les tons foncés.
Une photo se compose généralement de l’ensemble des tons, mais pas forcément ! Par exemple, prise dans l’obscurité, une photo d’où émerge un rai de lumière peut ne pas contenir de tons moyens… ou un portrait pris à contre-jour ne contenir que des tons clairs. La créativité prend alors le pas sur la “normalité” de l’histogramme.

Un outil de mesure
L’histogramme en tant que tel n’est qu’une information : c’est un outil statistique qui indique au photographe ou au retoucheur combien de pixels présents dans l’image possèdent telle nuance de couleur – de 0 (noir) à 255 (blanc). Auxiliaire d’un examen visuel, il permet de s’assurer de l’abondance ou de la rareté d’une nuance dans une image. À la simple vue d’une image, on constate aisément si elle est sombre ou claire ; on distingue facilement la présence ou l’absence de détails dans les hautes ou les basses lumières. Lorsque les zones les plus claires de l’image sont des aplats de blanc ou les zones les plus foncées des aplats de noir, sans nuances, on peut en déduire que l’histogramme sera tronqué sur la gauche ou sur la droite.
Les appareils reflex et un grand nombre de compacts permettent, via l’activation d’une option, l’affichage d’un petit histogramme en temps réel sur l’écran de contrôle. Avec certains écrans qui ne restituent pas bien les hautes ou les basses lumières, c’est très appréciable !
En étudiant les côtés gauche et droit au cours de la prise de vue, on s’assure de ne pas être en train de “brûler” (absence de détail dans les hautes lumières, zones totalement blanches) ou de “boucher” (pas de détail dans les ombres, zones totalement noires) des zones de notre sujet, puis l’on ajuste diaphragme et vitesse pour obtenir un histogramme équilibré. Ou, par exemple, on fera “glisser” l’histogramme sur la gauche afin de préserver le maximum de détails dans les hautes lumières, même si cela est au détriment d’une partie des ombres.

C’est donc ainsi une aide objective, permettant d’optimiser les retouches ultérieures et d’éviter des désagréments, mais qui ne préjuge pas de la qualité esthétique du rendu ! Un histogramme parfait n’existe pas (ni même une photo parfaite). Une image ne se résume heureusement pas à une série de chiffres et nombre d’images fortes reposent, à l’opposé de “l’histogramme parfait”, sur des contrastes très marqués ou sur une plage de tons très limitée…

S’assurer les meilleures conditions
De retour de prise de vue, au moment d’afficher les images brutes sur son ordinateur, une question préalable importante se pose : l’écran sur lequel nous allons visualiser notre travail est-il un outil fiable ? Car si, en effet, l’écran de contrôle de l’appareil photo n’est pas exempt de gros défauts (qui peuvent être contournés grâce à l’affichage de l’histogramme), il faut savoir que les écrans de nos ordinateurs ne sont pas forcément idéaux. Et pourtant, nous allons nous fier à ses qualités d’affichage pour optimiser nos plus beaux clichés pour un large panel d’utilisation : labo de tirage, blogs et galeries en ligne, impression jet d’encre ou offset, tablettes et téléphones… Pour être sûr de ne pas ajouter du bleu à une image qui, en réalité, manque de rouge, il faut faire particulièrement attention à trois facteurs.
Le premier est la capacité de l’écran à reproduire un spectre plus ou moins étendu (et complet) des couleurs : c’est son gamut. Le deuxième point est son étalonnage par rapport à une charte standardisée. Cela peut être réalisé en usine pour les écrans très haut de gamme et, dans tous les cas, dépend de la qualité de fabrication : certaines séries d’écrans parmi les milieux de gamme sont bien équilibrées d’origine. Mais pour l’immense majorité, le recours à une sonde de calibration est vivement recommandé.
Le troisième point, tout aussi important que les précédents, concerne l’environnement de visualisation, et notamment l’éclairage : il est nécessaire pour juger de la justesse de ses retouches à l’écran, comme sur un tirage papier, de les considérer sous une lumière proche de la lumière émise par le soleil à midi… soit une lampe éclairant à une température de 5 000 K. Il existe dans le commerce de nombreuses ampoules dites “lumière du jour”, et notamment dans les magasins ou sites Web spécialisés photo.
Néanmoins, lorsqu’on ne dispose que d’un écran de mauvaise qualité ou non calibré, l’histogramme permet toujours de vérifier, en toute objectivité, la bonne exposition d’un cliché… mais pas la justesse des couleurs !

Lorsqu’on ouvre une photo dans un éditeur, la vue de l’histogramme permet d’apprécier la qualité de la plage/dynamique présente dans l’image : s’assurer notamment de la présence de nuances de blancs ou de noirs. Photoshop, comme la majorité des logiciels de retouche, affiche un histogramme depuis ses premières versions. Il est possible de l’afficher pour la gamme RVB et CMJN, en couleurs ou en noir, éventuellement par couches séparées. L’interface de Photoshop étant modulable, c’est à vous de choisir d’afficher l’histogramme ou toute autre fenêtre qui vous semblera utile. Lightroom et Camera Raw ont une approche différente : ils sont explicitement orientés retouche photo, leur interface ne contient que l’essentiel. Ainsi, dans leur fenêtre principale de travail, l’histogramme apparaît en permanence et est actualisé en temps réel, montrant la répartition des trois couches de couleurs.

Premières corrections
La première méthode de correction d’une image sous Photoshop est d’utiliser les trois curseurs (blanc, noir et gris) de la fenêtre Niveaux – c’est une des plus anciennes fonctions de Photoshop, qui nous permet de manipuler “directement” l’histogramme. Par exemple, pour augmenter la dynamique et le contraste d’une image en répartissant l’histogramme sur toute la plage de nuances : ramener les curseurs blanc et noir vers les premières valeurs présentes sur l’histogramme (les bases de la pyramide). Celui-ci s’adapte et se déploie sur toute la gamme de tons ; cela redonne du contraste à l’image.




Déplacer le curseur central gris vers la gauche permet d’assombrir les tons moyens, le faire glisser vers la droite les éclaircit. La présence des pipettes blanche, noire et grise nous permet de définir directement la position des curseurs. Il s’agit, à l’aide de chacune des pipettes, de pointer dans l’image les zones concernées : indiquons à la pipette blanche où se trouve la zone la plus blanche de l’image (ou celle que nous voudrions voir devenir la plus blanche), puis procédons de même pour la zone la plus sombre avec la pipette noire. Logiquement, dans le cas du gris, il devrait suffire de sélectionner une zone grise dans l’image pour rétablir, éventuellement, la dominance de couleur. Nous verrons par la suite que ce n’est pas si simple…

Malheureusement, toutes les retouches effectuées sur une image, si elles ont pour but son amélioration, peuvent aussi très rapidement nuire à la qualité des pixels affichés. L’histogramme permet de se rendre compte facilement des destructions occasionnées : un histogramme en “peigne” est un signe de cassure dans les tons, qui ne se voit pas forcément à l’œil nu mais peut surgir à l’impression. C’est à présent que l’on se rend compte de l’importance d’une bonne exposition à la prise de vue, afin d’éviter de trop importantes retouches en postproduction.
L’utilisation du mode 16 bits, présent maintenant sur tous les appareils professionnels, permet de s’assurer une confortable marge de manœuvre. En effet, codé en 16 bits, chaque pixel d’une image peut afficher 65 536 nuances, contre seulement 256 en 8 bits. 65 536, soit au total 281 milliards de combinaisons possibles, c’est bien plus que ce que l’œil peut percevoir ; et, justement, cela donne latitude à un certain nombre de corrections sans perte de qualité visible…

Utiliser la fenêtre Courbes plutôt que les Niveaux
La fenêtre Courbes possède les mêmes caractéristiques, dans la mesure où l’on retrouve les curseurs blanc et noir (mais pas de curseur gris) et trois pipettes. L’avantage de la fonction Courbes est qu’elle est beaucoup plus précise que les Niveaux. Car – en plus de déterminer avec les pipettes les valeurs extrêmes et de corriger les éventuelles dominances, en ajoutant des points sur la (ou les) courbe(s) – nous pouvons agir précisément sur la gradation des tons clairs, moyens et foncés.
Une courbe bombée permet d’éclaircir globalement l’image, sans toucher aux hautes et basses lumières (pour faire glisser plusieurs points vers le haut, il faut au préalable les sélectionner avec la touche Maj). Une courbe creusée permet, au contraire, d’assombrir globalement l’image et une courbe en forme de “S” permet d’augmenter le contraste de l’image. L’intérêt ici est de pouvoir accentuer les quarts de ton qui nous intéressent, en ajoutant un ou plusieurs points et en faisant varier la courbe. L’affichage d’un histogramme en arrière-plan permet de doser son intervention.
Notez bien la disposition des nuances : noirs à gauche, blancs à droite, qui est inversée pour les images CMJN. Il est possible de conserver la même disposition en cochant, au choix, dans les options d’affichage de la courbe : Lumière (O-255), qui correspond à la synthèse additive, ou Pigment/Encre en % (synthèse soustractive). Un petit menu de la fenêtre permet d’afficher les courbes par couleur individuelle. Mais plutôt que de s’essayer à corriger la chromie d’une image, ce qui serait fastidieux, il est plus judicieux d’utiliser le menu Image> Réglages> Balance des couleurs.

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Cochez l’affichage que vous préférez. En Lumière, la courbe est inversée par rapport au mode CMJN. En Pigment/Encre, elle est identique.

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Un double-clic sur chacune des pipettes permet de spécifier des valeurs précises pour le premier blanc imprimable, le noir maximal et un gris moyen.

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La case des options permet d’enregistrer une courbe personnalisée ou d’en charger une autre. Le menu Paramètres prédéfinis propose des courbes des contrastes intéressants.

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Le mode Auto, paramétrable via la case Options, est limité car il ne remplacera pas votre œil !

Dans Lightroom, ainsi que dans Camera Raw, la manipulation des courbes s’effectue grâce à quatre curseurs, ce qui permet de doser ses retouches et de bien agir sur les zones identifiées. L’usage convient parfaitement aux retouches photographiques et encourage à… ne pas aller trop loin !


La palette Courbes de Camera Raw, comme celle de Lightroom, propose des curseurs pour modifier les courbes. Par ailleurs, l’histogramme est visible à tout moment du travail.

Photoshop permet une certaine automatisation des retouches, accessible par la touche “Auto”, dans les fenêtres Niveaux et Courbes. En cliquant dessus, le logiciel effectue lui-même le calage des curseurs blanc et noir, mais aussi le calage du curseur gris vers une valeur neutre. Cette fonction est paramétrable via le bouton “Options”, également présent dans les deux fenêtres Niveaux et Courbes. En fait, il n’est pas vraiment recommandé d’utiliser cette fonction, qui ne possède pas votre jugement esthétique ! Le logiciel agit sans voir réellement l’image, hors c’est à vous d’appliquer des réglages en utilisant votre œil critique et un certain nombre de connaissances… De la même manière, Lightroom et Camera Raw possèdent chacun une touche “Auto”, mais qui n’est pas la panacée. Il vaut mieux effectuer vous-même les réglages qui renforceront la dynamique de votre photo selon le message que vous voulez faire passer.
Plus intéressant, dans la fenêtre Courbes de Photoshop un menu Paramètres prédéfinis vous permet d’appliquer instantanément des courbes accentuant le contraste. Il est aussi possible de garder vos propres courbes en mémoire, en sélectionnant dans le petit bouton d’options Enregistrer le paramètre prédéfini. Vous pouvez les partager par mail et les appliquer sur un autre ordinateur en cliquant sur Charger le paramètre prédéfini.

Les prises de blanc et de noir
Dans l’image, se trouvent les zones les plus claires et les plus foncées. Afin d’assurer une homogénéité de ses productions – par exemple entre une photographie prise en plein air et une autre prise en studio, mais surtout par rapport aux productions des autres photographes –, il est recommandé de “caler” le point le plus blanc et le point le plus noir de ses images. En effet, quoi de plus désespérant que de voir figurer ses clichés dans une galerie publiée dans un magazine, ou sur le Web, et de constater que les noirs sont plus “gris” que ceux des voisins ou complètement “bouchés” ? À l’inverse, lorsque les blancs de l’image manquent de détails, on dit qu’ils sont “brûlés” ; toutes choses qu’évitent en général les photographes.
La première retouche à effectuer sur une image, avant même d’éclaircir ou d’assombrir des zones grâce aux courbes, est donc de déterminer quelles valeurs devront contenir les blancs et les noirs. Par défaut, Photoshop indique les valeurs se rapportant au profil colorimétrique coché dans le menu Édition> Couleurs.
Pour bien choisir les valeurs à indiquer pour le point blanc, il faut envisager sur quels supports l’image va être diffusée. Ici, les valeurs C=4, M=2, J=2 et N=0 correspondent au premier blanc imprimable par une presse offset couleur, dans des conditions standard. Dans tous les cas, il ne faut pas laisser le blanc complètement vide, il est préférable de laisser quelques informations de couleur. Une fois les valeurs du point blanc saisies, il faut déterminer dans l’image où se situe une zone blanche contenant quelques informations. Évitez les reflets et sources lumineuses, choisissez plutôt une zone bien blanche d’un vêtement ou autre objet. Le fait d’appuyer sur la touche Alt permet de situer facilement les zones concernées.

Nous laisserons les informations de noir à R=0, V=0 et B=0, car c’est le profil colorimétrique qui ajustera la valeur maximale. Nous procéderons de même que pour le point blanc, en choisissant cette fois le point le plus sombre de l’image. Ces opérations permettent en deux clics de corriger l’exposition et les dominances de couleur éventuelles.
Régler le point gris est un exercice plus délicat, car il est difficile de trouver un gris neutre dans une image. Le fait d’utiliser une charte au démarrage de la prise de vue permet de résoudre ce problème et d’améliorer considérablement la qualité de ses images. Il suffit ensuite, à l’ouverture dans Photoshop, de cliquer sur la zone grise de la charte à l’aide de la pipette Gris.

Retouches en série
Pour appliquer les réglages effectués sur la première image à toute une série, Lightroom et Camera Raw apportent une incomparable souplesse, puisqu’il suffit de sélectionner les photos que l’on veut modifier à l’identique et de cliquer sur Appliquer les modifications. Le tour est joué ! Photoshop ne permet pas de réaliser cela aussi facilement, mais offre tout de même un outil extrêmement utile appelé Calque de réglage : il s’agit d’une sélection d’outils parmi les plus indispensables à la retouche, accessibles via l’icône du panneau Calques, qui s’additionnent à l’image sous forme de calques spéciaux, appairés à leur masque de fusion, et s’appliquent à tous les calques inférieurs (ou un seul lorsqu’on active le masque d’écrêtage).
L’intérêt de les utiliser est double : ils permettent de réaliser des modifications annulables ou réajustables à tout moment et, surtout, des retouches sélectives puisque l’on peut les masquer en partie. On peut utiliser pour cela le pinceau, une sélection ou une forme et ajouter du noir ou du blanc à leur masque de fusion.
Il est très simple, pour juger de l’effet d’une retouche, de masquer le calque de réglage, de faire varier sa transparence ou son mode de fusion et, en enregistrant votre travail en PSD, de revenir les modifier plus tard. Encore mieux, en affichant deux images côte à côte, nous pouvons faire glisser un ou plusieurs calques de réglage d’une image à l’autre. Cela représente le cœur du système des corrections non destructives dans Photoshop.

Les calques de réglage offrent une grande souplesse : ils permettent d’effectuer des corrections précises, sélectivement, et totalement modifiables à tout moment en enregistrant en PSD.